Notre drapeau et notre hymne républicain n'appartiennent pas au front national mais à tous les Français.
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Tribune de Gérard Collomb, maire de Lyon, et François Rebsamen, maire de Dijon
Il y a quelques semaines, nous remportions les élections municipales et cantonales. Pendant plusieurs mois, nous avons, dans nos villes et dans nos cantons, dialogué avec les électeurs, avec les militants et les sympathisants du Parti socialiste et de la gauche entière. Nous connaissons leurs attentes, leurs espoirs mais aussi leurs impatiences et parfois leur scepticisme vis-à-vis de la politique en général y compris du Parti socialiste à qui ils ont pourtant apporté la victoire.
Cette victoire nous engage. Les votes d'adhésion aux projets que nous avons présentés localement doivent maintenant trouver un débouché national dans une véritable réforme des analyses et du fonctionnement de notre parti. Le débouché, ce doit être un Parti socialiste qui écoute, qui innove, qui propose, qui sache fédérer autour de lui tous ceux qui veulent proposer une alternative à la politique menée aujourd'hui dans notre pays.
C'est notre responsabilité historique de faire que la gauche ne se contente pas de belles victoires locales mais qu'elle sache les transformer en une victoire nationale. Elle doit donc commencer par s'interroger sur les raisons des ses défaites dans les scrutins nationaux.
Il y avait incontestablement un élan dans la campagne de Ségolène Royal.
Il a sans doute manqué un projet partagé collectivement par tout le Parti socialiste. Un projet qui ne puisse donner prise à la critique ,de n'être qu'une simple posture idéologique mais qui apparaisse aux yeux des français comme basé sur une analyse lucide de la société du 21e siècle, une appréhension en profondeur des grands problèmes auxquels elle se trouve confrontée.
Les Français sont de plus en plus lassés par les formules toutes faites, entendues maintes fois et dont nos sympathisants et nos militants, eux-mêmes, comprennent qu'elles sont plus destinées à des positionnements internes au PS, que véritablement porteuses de solutions pour notre pays.
C'est pourquoi il faut que, lors de notre congrès, le débat porte sur le fond, qu'il ne se réduise pas à une série de manœuvres tactiques qui, dans les couloirs et les arrière salles, se résumeraient d'abord en des querelles de personnes, masquées dans d'apparents débats de courants.
Il faut que le Parti socialiste ait vis-à-vis de lui-même une grande exigence intellectuelle pour qu'il apparaisse aux yeux de tous les Français comme capable de répondre aux grands défis qui sont ceux de notre monde et de notre pays.
La conjoncture est pour cela porteuse. Les solutions simplistes qui avaient été avancées par Nicolas SARKOZY pendant les présidentielles se heurtent en effet aujourd'hui au mur d'une réalité infiniment plus complexe. De même l'ultra libéralisme réduisant de plus en plus l'économie à de simples jeux financiers a montré ses limites dans la crise des subprime. Dans le même temps, quelques affaires retentissantes dans un certain nombre de nos entreprises ont montré que celles-ci ne pouvaient se passer d'un certain socle éthique.
L'époque est donc propice aux socialistes pour offrir une nouvelle perspective à la société française.
Encore convient-il qu'ils ne retombent pas dans leurs vieux démons en reprenant un discours archaïque.
Pour cela, ils doivent pleinement assumer la mue intellectuelle qu'ils ont déjà en fait accomplie. Ils savent bien que les temps ont changé depuis que Karl Marx analysait le capitalisme de la société anglaise de La Fabrique.
La critique que nous pouvons dresser de la société actuelle aurait plus de force si nous reconnaissions que nous entendons placer notre action dans le cadre d'une économie de marché, qu'il s'agit de réformer, non de briser.
Au niveau local, cette révolution culturelle a déjà été menée. Nous savons ce qu'exige l'attractivité d'un territoire : l'interaction de services publics de qualité, de pôles d'innovation et de recherche de haut niveau et d'entreprises à forte valeur ajoutée, donc compétitives.
Nos collectivités travaillent quotidiennement avec les entreprises pour leur développement et parce qu'il y va de l'intérêt général.
Certes, nous sommes bien placés pour constater un certain nombre de dysfonctionnements de notre société.
Ce sont en effet les élus locaux qui se trouvent en première ligne face aux problèmes d'exclusion, face aux problèmes de pouvoir d'achat d'un certain nombre de salariés ou de retraités. Mais nous savons aussi que pour résoudre ces problèmes il faut produire de la richesse. Car la production de richesse est la condition nécessaire à toute politique de redistribution.
Nous savons que nous avons besoin d'une dynamique économique forte pour mener les politiques que nous mettons en place pour rééquilibrer nos villes, en finir avec les quartiers paupérisés et ghettoïsés, bref pour construire des territoires où nous rendrons possible un réel vouloir vivre ensemble.
De même au niveau national, nous sommes dans notre rôle lorsque nous affirmons notre solidarité avec les travailleurs victimes de délocalisations ou de licenciements.
Mais la solidarité ainsi manifestée serait de pure forme si nous n'étions pas capables d'indiquer quelle politique pourrait nous permettre d'éviter de telles situations, une fois la gauche revenue au pouvoir.
Cela demande que nous expliquions comment nous entendons faire muter économiquement notre pays pour qu'il demeure compétitif dans un contexte où de manière inéluctable, de grands pays sont en train d'émerger qui sont dès aujourd'hui de redoutables concurrents pour nos produits de base et qui commencent à le devenir même dans le domaine des technologies avancées.
Pour sauvegarder notre compétitivité, il n'y a en fait qu'une seule solution : être dans tous les domaines, à la pointe de l'innovation !
C'est là l'axe majeur qui doit sous-tendre toutes nos politiques. Il faut que notre université et notre recherche irriguent davantage notre économie. Il faut accroître l'efficacité de notre système scolaire et plus généralement, élever le niveau de formation de notre société tout entière.
Il faut repérer les nouvelles tendances qui marqueront la société de demain afin d'anticiper les productions à développer.
C'est dans une modernité ainsi retrouvée que nous pourrons garantir aux Français dans les faits et non dans les mots un pouvoir d'achat et une protection sociale élevés.
Car nous le savons : toute promesse sociale qui ne serait pas basée sur une économie capable d'affronter la concurrence mondiale ne serait que pure démagogie.
Cela, la plupart des Français aujourd'hui le comprennent. C'est pourquoi les Socialistes ne seront crédibles que le jour où leur discours sur l'économique, le social et le développement durable, apparaîtra comme ayant une véritable unité.
Si le monde a changé d'un point de vue économique, la société française elle aussi a profondément muté. Là aussi, il faut que nous en analysions les changements.
La société française s'est beaucoup fragmentée, nous devons en tenir compte. Le Parti socialiste, par exemple, parle volontiers de la nécessaire reconquête des couches populaires. Les élus locaux peuvent témoigner combien ces couches sociales sont loin d'être aujourd'hui homogènes, quels clivages il peut y avoir à l'intérieur même de ces couches populaires.
Entre exclus du monde du travail et salariés, entre Français issus de l'immigration et Français d'origine...
Comment dépasser leurs divergences pour qu'ils se pensent demain un destin commun ?
Dans le même temps, il doit aussi pouvoir s'adresser à un certain nombre de couches moyennes et supérieures qui se reconnaissent dans les valeurs sociales ou sociétales dont nous sommes porteurs : reconnaissance de la différence, acceptation des différents modes de vie, ouverture sur le monde, mais qui sont en même temps soucieux de modernité et d'innovation parce qu'ils appartiennent aux secteurs les plus dynamiques de la société. Comment les associer à notre démarche ?
Le Parti socialiste doit donc redevenir le creuset où les uns et les autres pourront se réinventer un avenir partagé.
Réaliser une telle synthèse, demande du dialogue, de la concertation, de la démocratie participative, ce qu'ont pratiqué l'ensemble de nos candidats pendant la campagne récente. Ce n'est donc pas simplement le programme du Parti socialiste qu'il nous faut changer mais aussi ses formes de dialogue avec la société, ses modes de gouvernance. Il nous faut nous ouvrir davantage à toute la société.
Les Elus de gauche qui ont réussi sont aussi ceux qui ont su renouveler leurs équipes, s'ouvrir à l'ensemble de la société et à sa diversité.
Le changement du Parti socialiste doit être aussi d'ordre organisationnel de manière à ce que le plus grand nombre puisse se sentir associé à la mutation que nous souhaitons engager.
Telles sont les premières réflexions qui peuvent, nous semble-t-il, être tirées des dernières élections et nous paraissent être un préambule au débat entamé par les socialistes. Sachons faire de notre réflexion et de notre congrès à la fois un moment de réflexion sérieux mais aussi enthousiaste. C'est comme cela que nous apparaîtrons utiles à notre pays, fidèles à nos idéaux, capables d'inventer un nouvel avenir.
Ségolène Royal accélère. Mais à son rythme. Une semaine après la publication du texte des partisans de Bertrand Delanoë, l’ancienne candidate à la présidentielle dévoile aujourd’hui les premiers résultats de sa consultation participative, lancée début avril. Quelque 1 500 contributions, reçues via Internet, ont été synthétisées par son équipe. Vendredi à Paris, lors d’un premier «atelier citoyen», elle y fera référence afin de préciser, en des termes choisis, pourquoi elle entend prendre le parti. Avant d’attaquer les déplacements, mardi en Lorraine, sur le terrain des ouvriers, puis dans l’Aube, deux jours plus tard. Une séquence de visites du parti d’en bas prévue jusqu’au 7 juin, date du début de la rédaction d’une contribution en vue du congrès. Avec, en toile de fond, l’ambition d’incarner «le choix de la survie et du développement du PS». Pour «gagner sur le fait que le parti a besoin de changer».
Bien sûr, comme à l’accoutumée, Ségolène Royal jouera ce mercredi son rôle de première opposante : «Je fais mon travail. C’est ma responsabilité. Je ne vais pas me tourner les pouces en disant : "J’attends 2011."» Elle s’en prendra donc à la loi de modernisation de l’économie façon Nicolas Sarkozy. Mais l’essentiel, aujourd’hui, est ailleurs : dans les positions exprimées par les militants sur le site. Lesquels, en matière économique, estiment que «le PS doit se réapproprier le discours sur l’entreprise». Plaident pour «cesser le catéchisme doctrinal» et pour «traiter de questions qui n’apparaissent pas au premier abord définir un discours de gauche». Préconisent, au chapitre du parti, d’«ouvrir les sections à des non-membres». Et revendiquent «unanimement, la nécessité d’un leadership incontesté et respecté»…
Faut-il voir dans ce timing une réponse de la bergère à Delanoë, qui estimait dans son texte que la démocratie participative devait «se nourrir d’une mise en débat des projets et non de simples questions», fustigeait le «contournement des lieux de débat» ainsi que la stratégie «improvisée et non concertée» d’alliance au centre ? «On déroule une méthode et un calendrier, proteste David Assouline, proche de la candidate. On est dans l’action, pas dans la réaction.» Reste que Ségolène Royal assume volontiers «un certain nombre de différences» : «Je crois à un parti le plus attractif possible, et ouvert à de larges alliances pour battre la droite. Ça a le mérite de poser le débat.» Et, du même coup, de lui fournir un angle pour soigner son profil de rénovatrice face à un canal historique jospino-jospiniste : «On ne peut se contenter de replâtrages, de recyclages des anciens projets du PS. On ne fait plus de la politique comme autrefois.»
Car si «la consultation des militants est un des ruisseaux qui alimentent» le texte que présentera Royal, celui-ci devrait aussi se nourrir, outre des travaux de ses groupes d’experts, des concepts développés pendant sa campagne présidentielle. «Je ne veux pas que ce potentiel soit perdu. Moi, je m’adresserai aux militants comme aux Français, sans compromis. Je ne me forcerai pas, parce qu’un congrès se gagne soi disant à gauche, à diaboliser le centre pour ensuite faire alliance avec lui au moment des élections.» Quant à la forme, Ségolène Royal n’a pas choisi, comme les partisans du maire de Paris, d’aligner les signatures. Du moins pour l’instant. «Je ne suis pas au téléphone en train de faire la course aux signatures, comme au bon vieux temps.» Davantage que la dynamique des soutiens, qui l’avait portée pendant la primaire socialiste, elle privilégie la démarche de l’offre politique. « Je ne mets pas de pression. Les gens doivent se sentir partie prenante dans ce texte, et pas enrôlés dans une liste de supporters.» Un discours de la méthode pensé pour élargir le cercle de ses soutiens: «J’espère que j’entraînerai tout le monde. Y compris Delanoë.» Pour pallier l’effritement de sa cote au fil d’un processus interne édifié pour empêcher son OPA sur le PS au lendemain de la présidentielle: «Le calendrier est très long et a été organisé pour étouffer les choses. Je dois donc faire un travail de pédagogie plus important que d’autres.» Et, aussi, pour clôturer le procès en incompétence datant des primaires: « Là, si je gagne le congrès, on ne pourra pas dire que c’est sous le coup de l’émotion… »
Un an après la victoire de Nicolas Sarkozy à la présidentielle, mais aussi un an après sa propre défaite, Ségolène Royal confie à nos lecteurs ses craintes sur la situation politique en France et explique sa stratégie au sein du PS.
Le jour même où son rival Bertrand Delanoë lance ouvertement son offensive pour la prise de contrôle du PS, l'ex-candidate socialiste à la présidentielle confie aux lecteurs du « Parisien » et « Aujourd'hui en France » sa détermination à continuer à jouer un rôle de premier plan à gauche... Et tout en multipliant les flèches contre Nicolas Sarkozy, elle se positionne clairement en vue de 2012.
MEHDI MARTEL. Un an après l'arrivée de Nicolas Sarkozy à l'Elysée, quel est, selon vous, son plus grand échec... et sa plus grande réussite ?
Ségolène Royal.
Son plus grand échec, c'est la déception des Français. Lorsqu'on a la chance d'être chef de la cinquième puissance du monde, on n'a pas le droit de rater une année. La France a été séduite et elle est aujourd'hui abandonnée. C'est très grave. Le pouvoir en place semble dépassé. Il a fait croire qu'il maîtrisait les choses, que toutes les réformes étaient prêtes. Or, dans un monde qui va très vite, marqué par la mondialisation, un dirigeant ne peut pas être dépassé par les événements.
SERGE GADEA. Sarkozy a-t-il trouvé ses limites ?
Oui. Il n'est pas à la hauteur d'une période historique compliquée. Il s'est occupé davantage de lui-même que de la France. Il disait qu'il serait le président de la morale, du courage, du pouvoir d'achat, des droits de l'homme. C'est tout le contraire : on a de l'immoralité, du non-respect, de l'improvisation. Maintenant il faut qu'il se ressaisisse car il faut remettre la France sur la bonne voie : une autre politique est possible.
CAROLINE CHANFREAU. Mais y a-t-il quand même quelques succès ?
L'émergence au sein du gouvernement de femmes issues de la diversité est une chose positive... Encore que, en bonne logique républicaine, il faut juger sur les résultats.
JEANINE HAMELIN. Pourquoi, selon vous, avez-vous perdu la présidentielle il y a un an ?
C'est une bonne question, j'ai écrit un livre pour expliquer cela (rires) ! Je n'ai pas réussi à convaincre de nombreuses personnes parce que, en face, Nicolas Sarkozy a fait des promesses : celle de revaloriser de 25 % le minimum vieillesse, les petites retraites et l'allocation adulte handicapé. Il avait aussi annoncé qu'il demanderait aux patrons d'augmenter les bas salaires. Dans une élection, ça joue. Moi, je n'ai promis sérieusement que ce que je savais pouvoir tenir. Mon adversaire a aussi bénéficié pendant les années précédant l'élection de relais médiatiques extrêmement puissants et de moyens financiers considérables, en cumulant le ministère de l'Intérieur et l'UMP. Enfin, il m'a manqué le soutien de certains dirigeants socialistes, qui n'ont pas accepté ma désignation massive par les militants du parti.
MEHDI MARTEL. Avez-vous des propositions concrètes pour réduire le chômage des jeunes et faciliter l'accès dans la vie active ?
Il y a une déconnexion entre certaines filières de formation économique et la réalité du marché du travail. Et aussi un énorme gâchis à l'issue des deux premières années d'université, où 40 % des jeunes abandonnent sans qualification et sans diplôme. Il faut une réforme profonde de l'université et en particulier dé-spécialiser les premières années de formation. Et puis il y a des secteurs sous tension dans le bâtiment, la restauration, les services à domicile. Or, ces métiers ne sont pas suffisamment valorisés. C'est ce que j'ai fait dans ma région en donnant un chèque à tous les jeunes qui entrent dans ces trois filières pour les aider à financer leur permis de conduire, dont ils ont besoin pour aller travailler. Par ailleurs, je suis favorable au développement de l'apprentissage, y compris dans l'enseignement supérieur. C'est-à-dire la formation alternée entre la théorie et la pratique. Cela existe déjà et il faut le développer.
« Je suis poursuivie par les photographes tout le temps »
JEANINE HAMELIN. Comment accroître le pouvoir d'achat alors que tout augmente ?
C'est l'expression de l'angoisse principale : la vie chère, l'accès au logement devenu difficile, l'augmentation de l'essence... Au lieu de donner 15 milliards chaque année dans le paquet fiscal, on aurait pu baisser la TVA sur la consommation. Ou doubler la prime pour l'emploi pour 8 millions de salariés. Il faut imposer aux collectivités locales de respecter le quota des 20 % de logements sociaux. Il faut réorienter la masse de l'épargne vers le secteur de la construction. Quant aux prix, il faut contrôler les marges de la grande distribution. Je suis favorable à l'autorisation des actions de groupe de consommateurs. C'est très efficace pour instaurer un rapport de force sur les prix entre les consommateurs et les grandes entreprises.
CAROLINE CHANFREAU. Le gouvernement veut réformer l'Etat et réduire le nombre de fonctionnaires. N'a-t-il pas raison sur le fond ?
Oui, il faut réformer l'Etat. Mais aujourd'hui, ce qui ne va pas, c'est que l'Etat est réformé par des gouvernants qui dénigrent le service public. On assiste à des destructions massives de services publics. Fermetures de plateaux de chirurgie, de tribunaux, de postes, de filières de formation professionnelle. Tout cela laisse une sorte de désespérance dans des territoires déjà fragilisés, ce qui déstabilise aussi les entreprises. En même temps, il y a trop d'échelons administratifs, depuis la commune jusqu'à l'Etat et l'Europe. Il faut clarifier les compétences et mettre fin aux doublons avec des responsabilités claires aux collectivités territoriales tout en leur donnant les ressources nécessaires. C'est comme ça qu'on allégera la bureaucratie et les dépenses de l'Etat.
SERGE GADEA. Pourquoi le PS, lorsqu'il était aux affaires, n'a-t-il pas annulé la réforme Balladur sur les retraites. Et s'il revenait au pouvoir, annulerait-il les réformes Fillon ?
C'est vrai que la gauche n'a pas réglé en totalité la question des retraites, même si elle a créé le Fonds de réserve des retraites. J'observe que le gouvernement actuel veut piocher dans ce fonds, ce qui n'est pas acceptable. Je ne ferai qu'une observation : le groupe Total a fait 10 milliards d'euros de bénéfices. Aujourd'hui, le besoin de financement des retraites est de 8 milliards. Est-il normal qu'une entreprise gagne autant d'argent, qui appartient en fait à la collectivité, quand les Français paient l'essence à des prix aussi élevés ?
JEANINE HAMELIN. Voulez-vous succéder à Hollande à la tête du PS ? Pensez-vous être la candidate de votre parti en 2012 ?
Je ne suis pas candidate à un poste mais j'ai pris la décision d'assumer mes responsabilités de leader politique. J'entends parfois dire que je suis un accident de l'histoire, une météorite qui serait passée et qui doit disparaître, ce qu'on n'a jamais dit à aucun homme. Ce qui aurait été cohérent après cette campagne, c'est de se rassembler autour de moi pour mettre la dynamique de la campagne au service de la gauche, de reconstruire un nouveau corpus idéologique et de voir si cela réussissait ou non. Mais cela aurait été trop simple. Je constate que ça ne se passe pas pour moi comme cela s'est passé pour d'autres, François Mitterrand, Lionel Jospin... Ce que je veux, c'est un PS qui change, qui soit en phase avec les défis de la France. Il faut que le PS compte plus d'adhérents. On avait promis il y a deux ans un PS à 700 000 adhérents. Il est très important que le PS devienne un parti très attractif.
MEHDI MARTEL. Donc vous allez prendre la tête du PS ?
Je veux faire les choses dans l'ordre. Lorsque je vous dirai si oui ou non je suis prête à assumer cette position de leadership, je le ferai en expliquant pourquoi, avec quelle vision et quel projet. Ce sera fait de toute façon assez rapidement puisque les textes pour le congrès du PS doivent être déposés en juin.
JEANINE HAMELIN. Nicolas Sarkozy a refait sa vie. Et vous, où en êtes-vous sur le plan personnel ?
(Rires.) Je vous remercie de vous préoccuper de moi. Mais comme vous le dites, c'est ma vie personnelle. On est déjà tellement exposé quand on est responsable politique... Il faut rendre des comptes sur tout. Je suis poursuivie par les photographes tout le temps, y compris avec mes enfants. J'ai même été pourchassée avec des appareils photo jusque dans une église. C'est la contrepartie de la notoriété, mais je pense qu'il faut protéger farouchement sa vie privée. Il faut me laisser tranquille.
« Obama représente l'Amérique du futur »
CAROLINE CHANFREAU. Dans le climat actuel, croyez-vous possible une crise politique aussi grave que Mai 68 ?
Bien sûr. Je pense qu'une crise grave est tout à fait possible. Il y a une exaspération très profonde. Quand il y a une déception aussi cruelle entre des espérances, des promesses politiques et le résultat, c'est inadmissible. Il y a une montée des précarités, un creusement insupportable des inégalités, une angoisse des parents sur la réussite de leurs enfants. On assiste à la montée d'une colère très profonde, et ça c'est dangereux. Ceux qui nous gouvernent feraient bien de se ressaisir rapidement.
MARIE-LYSE VILANOVA. Au PS, il y a une multitude de candidats potentiels pour le poste de premier secrétaire. Pourquoi tant de rivalités ?
Les rivalités sont normales en politique mais il ne faut pas qu'elles soient exacerbées. Je ferai très bientôt une offre politique et je souhaite que le leadership découle naturellement du vote des militants.
SERGE GADEA. Dans son gouvernement, l'Espagnol José Luis Zapatero a nommé neuf femmes et seulement huit hommes. La France serait-elle plus macho ?
Oui, la France est encore très macho. Regardez l'Assemblée nationale, à quoi cela ressemble : encore très peu de femmes. Elles sont moins de 5 % au sein des conseils d'administration des entreprises. Les inégalités salariales sont encore de 30 %.
JEANINE HAMELIN. Etre noire en France, ce n'est pas facile. Quelles mesures proposez-vous pour faire cesser les discriminations ?
Pendant la campagne, j'ai défendu l'idée de la France métissée. Cela m'a fait perdre des voix, je le savais. Car cela a été exploité par mes adversaires qui l'ont opposée à l'identité française, mais il faut absolument tenir bon là-dessus. Il faut apprendre à vivre ensemble.
MARIE-LYSE VILANOVA. Jean-Pierre Raffarin a demandé votre démission à la suite de votre condamnation dans l'affaire de vos assistantes parlementaires...
C'est un contentieux qui dure depuis dix ans. J'ai été pourchassée judiciairement. La décision n'est pas définitive et, compte tenu de l'exploitation politique qui en est faite, je vais me pourvoir en cassation. On veut faire croire que c'est moi qui ai refusé de payer des salaires, alors qu'en réalité il s'agissait d'argent public. Et contrairement à ce qui a été dit dans la presse, il ne s'agissait pas de plusieurs mois mais de vingt jours. Il y a sûrement là une petite vengeance de la part de M. Raffarin car, quand je suis arrivée à la tête de la région Poitou-Charentes, j'ai diminué considérablement le train de vie. J'ai arrêté les grosses voitures ; j'ai vendu la Maison du Poitou-Charentes à Paris qui servait à organiser des cocktails ; j'ai réduit de 2 millions d'euros les frais de représentation et de communication de la région... J'ai aussi découvert que M. Raffarin faisait payer par la région un appartement privé rue de Vaugirard à Paris. Donc la région lui demande des comptes.
CAROLINE CHANFREAU. Avez-vous été choquée que Nicolas Sarkozy ait pu voter dans le VIIIe après s'être inscrit hors délai ?
Les Français ont été choqués. De nombreuses personnes n'ont pas pu voter parce qu'elles étaient hors délai. Il y a deux poids, deux mesures. C'est une fraude très grave, un faux en écriture publique.
BRUNO PONCHON. Dans le match entre démocrates aux USA, vous vous êtes prononcée en faveur de Barack Obama. Pourquoi ?
Parce qu'il représente l'Amérique du futur. Il incarne l'Amérique métissée, un ensemble de valeurs, il a toujours été contre l'intervention en Irak. Hillary Clinton est une femme extrêmement courageuse, elle en voit des vertes et des pas mûres. Mais elle est à mon sens plus opportuniste sur les questions de société et moins claire sur l'Irak. Ce qui est inquiétant, c'est la façon dont ils s'épuisent l'un l'autre dans ce duel. L'idéal serait qu'ils forment un ticket gagnant tous les deux contre le candidat républicain.
CAROLINE CHANFREAU. Que pensez-vous de votre caricature par l'humoriste Nicolas Canteloup sur Europe 1 ?
C'est profondément misogyne, il me traite en Bécassine. Cela faisait tellement écho à toute l'entreprise de dénigrement sur mes supposées bourdes et mon incompétence que cela m'a porté préjudice. Mais ça fait partie du combat politique. Il aurait fallu trouver un humoriste pour dire du bien de moi. Aujourd'hui, je préfère en rire !
Quel bilan faites-vous de cette première année de Nicolas Sarkozy au pouvoir ?
C'est une année perdue. Il y a eu bien sûr le fiasco du paquet fiscal, avec 15 milliards d’euros chaque année et notamment un bouclier fiscal qui rapporte 350 millions d’euros à 20 000 personnes. Je rappelle au passage que contrairement à ce que dit Nicolas Sarkozy, la plus grande partie des 5 milliards d’euros consacrés aux heures supplémentaires vont aux entreprises, et non aux salariés concernés. Ces derniers ne touchent en moyenne que 4 euros pour 45 minutes de travail en plus ! Je rappelle aussi que la déduction fiscale des intérêts d'emprunts ne profite trop souvent qu'à ceux qui seraient de toute façon devenus propriétaires... Les autres, ceux qui auraient besoin d'être aidés, en sont pour leurs frais.
Les caisses de l’État ont été vidées, comme l’a lui-même reconnu Nicolas Sarkozy, et cela n’a provoqué aucun retour de la croissance. Au contraire, la rigueur est déjà là. La grande majorité des salariés paie pour les dépenses inefficaces et injustes de ce gouvernement et subit la hausse des prix sans que le pouvoir ne réagisse. Dernier exemple en date, le RSA, qui était au départ une bonne idée, sera financé par la suppression de la Prime pour l’emploi pour cinq millions de salariés modestes. Au lieu d’être le président du pouvoir d’achat, il est président de la régression sociale et de la baisse du niveau de vie.
Vos craintes ont donc bel et bien été confirmées ?
Oui. Nicolas Sarkozy paie aujourd’hui pour ses promesses inconsidérées. Nous savions que ce qu’il promettait ne serait pas tenu. Cette conception du pouvoir et de la politique, je l’ai dénoncée pendant la campagne et je continue de la critiquer. Dans un contexte de crise et d’angoisse, la posture consistant à annoncer qu’on allait régler tous les problèmes a d’abord rassuré. Mais c’était une imposture qui aujourd'hui conduit à une déception cruelle. Le résultat est une grave crise politique et morale qui rend toute réforme impossible. On n’avait jamais vu, en France, des manifestations de retraités et de handicapés. Car ces fameuses « réformes » menées, elles ont été soit injustes, soit partielles, soit les deux. Et elles sont de plus en plus désordonnées.
J’ajoute que sa pratique du pouvoir a été hyper-personnalisée et d’une grande désinvolture. Le résultat, c’est qu’au lieu d’un choc de confiance, on a un choc de défiance. Ce Président avait beaucoup de cartes en main, il y a un an : il les a gaspillées. Il ne faut pas s'en réjouir. La situation de la France est grave aujourd’hui.
Expliquez-vous l'impopularité de Nicolas Sarkozy après cette première année à la tête de l'Etat ? Et si oui, comment ?
Je crois que l’impopularité record de Nicolas Sarkozy, un an à peine après son élection, est due avant tout à l'échec sur le pouvoir d'achat, même si son comportement personnel cet hiver a rendu cet échec encore plus insupportable. La déception est d’autant plus forte que les attentes étaient grandes. Il a promis la rupture, mais il conduit tout simplement une politique de droite. Lorsqu’ils regardent autour d’eux, les gens, même ceux qui ont voté pour lui, se rendent compte que rien n’a changé en mieux depuis l’élection présidentielle.
À quoi le pays doit-il s'attendre aujourd'hui, et comment l'opposition doit-elle réagir ?
Il ne faut pas s’attendre à autre chose qu’une rigueur qui ne veut pas dire son nom… La dernière intervention du Président (émission du 24 avril) n’a rassuré personne sur ce point… et sur les autres. Aujourd’hui, nous avons le devoir de lui rappeler sans cesse ses engagements de campagne, sur les petites retraites, sur les salaires, ainsi que sur la politique étrangère. Nous avons le devoir de dénoncer les contrevérités ou les approximations, elles ont été nombreuses lors de cette émission. Par exemple sur l'éducation nationale, où il donne l'image d'une France en situation d'échec pour justifier des suppressions de postes aveugles qui pénalisent de façon scandaleuse de nombreux territoires. Ou encore sur les retraites, car c'est bien la baisse des pensions qui est programmée si on ne parvient pas à résoudre la question de l'emploi des plus de 55 ans et si on ne parvient pas à prendre en compte la pénibilité des métiers.
Nous avons enfin le devoir de montrer qu'une autre politique est possible, donc de marteler nos contrepropositions. Elles passent par l'annulation du paquet fiscal et sa redistribution d'abord sur le pouvoir d'achat, notamment à travers une baisse de la TVA et le doublement de la Prime pour l'emploi, mais aussi sur l'innovation et la recherche, enfin sur le désendettement. Mais il nous faudra aller plus loin. Les Français nous l’ont dit lors des dernières élections municipales et cantonales : ils n’en peuvent plus de ce désordre permanent et de cette injustice profonde. Et en même temps, ils ont su être attentifs à nos projets locaux, qu’ils ont soutenus par un vote d’adhésion. Nous devons à la fois protéger, imaginer et apporter la preuve de l’efficacité de l’action politique au service d’un idéal !
Ségolène Royal répond aux questions des auditeurs de France Inter |
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NICOLAS DEMORAND Bienvenue dans Interactive, l’invitée de France Inter ce matin est Ségolène ROYAL, la présidente du Conseil régional de Poitou-Charentes. « Une feuille de déroute », c’est ce que vous avez dit, il y a quelques minutes au micro de France Inter, Ségolène ROYAL. Là, où le Premier ministre attendait une feuille de route, il a eu une feuille de déroute. Vous avez dit que vous étiez plus inquiète après l’émission qu’avant. Approximation, improvisation, contrevérité, aberration, une autre politique est possible et c’est urgent. Gouverner c’est prévoir avez-vous dit et donner du sens. Nicolas SARKOZY a reconnu ses erreurs, mais c’est d’après vous, la communication. S’il y a erreur, il faudrait infléchir la politique gouvernementale, or aucune inflexion n’a été annoncée. Alors il y a beaucoup de choses dans ce que vous avez dit à 8H20, on va revenir sur deux ou trois détails importants avec Patrick COHEN et les auditeurs de France Inter, Patrick ! PATRICK COHEN Oui, Ségolène ROYAL, contre l’image de sincérité, de franchise, de bonne volonté qu’a voulu donner Nicolas SARKOZY, vous dites, non seulement il s’est trompé, il reconnaît certes des erreurs, mais il ne veut pas en tirer les conséquences – mais vous dites en plus : Nicolas SARKOZY dit des mensonges, des contrevérités, Nicolas vient de le rappeler. Je voudrais que l’on prenne un exemple, que vous avez cité tout à l’heure, celui des retraites. Quelles sont les contrevérités que vous avez perçus dans le propos de Nicolas SARKOZY concernant le dossier des retraites ? SEGOLENE ROYAL Ecoutez, François CHEREQUE a réagi, d’ailleurs très rapidement sur cette question là, qu’a-t-il dit ? Il a dit que lorsque Nicolas SARKOZY avait maintenu l’idée que désormais pour accéder à taux plein à sa retraite il faudrait travailler plus longtemps, il dit une contrevérité, une approximation pourquoi ? Parce que, ce qu’il cache, c’est qu’avec une réforme comme celle-ci, c’est le niveau des retraites qui va baisser, dans la mesure où, des millions de salariés n’ont déjà pas la durée complète de cotisations qu’il faut aujourd’hui pour accéder à une retraite à taux plein. Donc cela veut dire deux choses, cela veut dire, que soit, il ne connaît pas ses dossiers, soit il ment par omission, parce qu’il sait qu’une réforme comme celle-ci va baisser le niveau des retraites. Or, il y a déjà une retraite sur deux qui est à peine supérieure au SMIC. Précisément, vous pensez qu’il faut renoncer au passage aux 41 ans de cotisations prévu dans la loi de 2003 ? On ne peut pas passer aux 41 ans de cotisations si on n’a pas résolu le problème du chômage des seniors, premièrement et deuxièmement si on n’a pas résolu la question de l’intégration à la prise en compte de cette durée de cotisation, de la pénibilité des métiers. Nicolas SARKOZY dit qu’il s’attaque à ces problèmes de seniors… Il le dit, mais il ne le fait pas, c’est ça le problème. Contrevérité encore sur d’autres dossiers, on ne vous a pas entendu parler tout à l’heure de l’immigration, il y a eu une grande part de l’interview présidentielle hier soir consacrée à la situation des sans papiers, discours de fermeté, pas de régularisation globale et dénonciation de l’hypocrisie des patrons, qui, a t-il dit, feignent de découvrir que leurs salariés étaient sans papiers, qu’en avez-vous pensé ? Ecoutez, je pense que ce qui nous a frappés, c’est qu’il est resté très longtemps sur ce sujet, je crois que ce n’est pas un hasard, c’est son terrain de chasse privilégié, si j’ose dire. Et il l’a fait, là aussi de façon inquiétante, qui, curieusement n’a pas été relevé par ses interlocuteurs journalistes. Il a confondu en permanence, l’accès à la régularisation et l’accès à la nationalité française. Alors de deux choses l’une, soit il ne maîtrise plus ses dossiers et en effet il perd la main, y compris sur la maîtrise des politiques, quand même qui sont cruciales pour notre pays – soit c’est volontaire, c'est-à-dire qu’il a fait un amalgame pour là aussi « rapter » un certain électorat et à ce moment là, c’est irresponsable. NICOLAS DEMORAND Il faut une régularisation collective sur cette affaire très précise de travailleurs sans papiers ? Je ne le pense pas, je pense que toutes les régularisations collectives ne sont pas… ne relèvent pas d’une bonne politique qui maîtrise les choses. En revanche, il faut sortir de l’hypocrisie, puisque, il y a là beaucoup d’hypocrisie. Certains travailleurs sans papiers sont passés par l’ANPE pour accéder à l’emploi et donc faire, comme l’a fait hier Nicolas SARKOZY, qui je le dis au passage, est responsable de la politique de l’immigration depuis 2002. Donc, qui aurait pu là aussi constater que cette politique est un échec. Il faut sortir de l’hypocrisie, puisqu’un certain nombre d’employeurs ont le courage de dire : nous employons des travailleurs clandestins, mais nous sommes prêts à régulariser les choses. Ce que je pense, c’est qu’il faut mettre les offres d’emploi sur le marché du travail, pour qu’il y ait d’abord, en effet des travailleurs étrangers en situation régulière ou des Français qui aient accès en priorité aux postes qui se libèrent. Et ensuite, là, conformément à ce que dit la loi, là, où il y a des métiers sous tension et là où la France a besoin de travailleurs étrangers – il faut reconnaître leur dignité, parce qu’ils paient des impôts, ils paient des cotisations et en plus, il sont menacés dans leur sécurité et dans leur dignité et c’est cela qui n’est pas acceptable. NICOLAS DEMORAND Laurent nous appelle de l’Ain, bonjour Laurent, soyez le bienvenu sur France Inter. LAURENT Bonjour Ségolène ROYAL, bonjour Nicolas Demorand, j’avais une question à poser, concernant le pouvoir d’achat, justement. Si vous aviez été élue l’année dernière, quelle mesure auriez vous pris, la mesure phare que vous auriez pu prendre pour améliorer le pouvoir d’achat – et quel à votre avis en aurait été le résultat à cette période, un an après ? NICOLAS DEMORAND Ségolène ROYAL, vous répond Laurent. J’aurais fait plusieurs choses. D’abord, puisqu’il y avait une marge de manœuvre de 15 milliards, que Nicolas SARKOZY, on l’a dit, je n’y reviens pas, à donner en cadeaux fiscaux aux plus riches. J’aurais utilisé cette marge de manœuvre pour baisser la TVA, premièrement. Deuxièmement pour doubler la prime pour l’emploi, ce qui aurait fait du pouvoir d’achat. Troisièmement j’aurais baissé les taxes sur l’essence, puisqu’il y a une partie de la consommation d’essence en taxes et que Nicolas SARKOZY a supprimé le système qui faisait que lorsque le prix du brut augmente, les impôts sur l’essence diminuent, et ça, je pense que j’aurais rétabli ce dispositif. Mais surtout, j’aurais mis en place une politique très volontariste de contrôle, non pas des prix, parce que vous savez que ce n’est pas possible, mais de contrôle des marges. C’est là où il y a un vrai problème, hier Nicolas SARKOZY nous a raconté pour la troisième fois l’histoire de la tranche de jambon, d’ailleurs en exagérant. Alors le président de la République, il n’est pas là pour raconter des histoires de tranche de jambon, mais pour résoudre le problème de la hausse des prix. Il nous a dit, la hausse du prix du jambon, c’est plus 40 %, comme sur tout, il exagère, ce n’est pas plus 40, c’est plus 20 % - ce sont les yaourts qui augmentent de 40 %, mais passons ! Mais la question c’est de savoir comment on répond à ce problème ? NICOLAS DEMORAND Il a dit, réforme des lois GALLAND et RAFFARIN. Alors, pourquoi ne l’a-t-il pas fait ? En effet, je pense que si les prix alimentaires français sont de 15 % supérieurs aux autres prix de pays européens alimentaires, c’est parce qu’il y a un système de protection de la grande distribution. Il faudrait, premièrement, en effet supprimer cette loi RAFFARIN GALLAND. NICOLAS DEMORAND Donc, vous le rejoignez là-dessus ? Oui, mais lui, il est au pouvoir, cela fait un an que je dis cela, qu’il faut en effet changer la loi dans ce domaine là. PATRICK COHEN La loi de modernisation économique sera présentée lundi en Conseil des ministres. Alors, la loi de modernisation économique, là aussi il y avait une proposition dans cette loi que Nicolas SARKOZY a retirée et qui concernait les actions de groupes des consommateurs. Il l’a fait, sous la pression aussi des patrons de la grande distribution. S’il pense, comme il l’a dit hier que les consommateurs n’ont pas suffisamment de rapport de force par rapport à la question des prix – alors, il faut créer dans la loi de modernisation économique, la possibilité, comme c’est le cas dans d’autres pays, des actions de groupes des consommateurs. Parce qu’ils pourront avoir les moyens de se défendre et de mettre en cause des marges qui sont inadmissibles. NICOLAS DEMORAND Yves nous appelle des Côtes d’Armor, bonjour et bienvenue sur France Inter. YVES Oui, bonjour à tous, merci de me recevoir dans votre émission, je vous appelle de Trébeurden dans les Côtes d’Armor. Madame ROYAL, depuis l’élection de Nicolas SARKOZY, vous campez dans une dénonciation haineuse de la politique gouvernementale. Nous aimerions que vous vous engagiez dans une opposition constructive, que vous fassiez des propositions. Ainsi, quelles seraient les propositions que vous feriez pour réduire l’abyssal déficit budgétaire, sans toutefois évoquer à la manière d’un cabri qui sautille, le paquet fiscal ? D’abord, je ne me sens pas du tout en situation de haine envers qui que ce soit. Ce n’est pas, ni mon tempérament, ni ma façon d’agir, NICOLAS DEMORAND Ni en situation de cabri, pour reprendre l’expression de Yves. Ni en situation de cabri, mais ce n’est pas parce qu’on dit des choses justes, qu’il ne faut pas les répéter. Pour réduire le déficit, je crois qu’il faut une réforme de l’Etat, il faut diminuer le train de vie de l’Etat, mais pas de façon brutale, en faisant des coupes sombres, comme j’en ai donné un certain nombre d’exemples tout à l’heure – en sapant dans les services publics. Il faut réformer l’Etat en mettant en mouvement les territoires. Moi j’ai proposé une nouvelle étape de la décentralisation. Vous savez les pays qui ont économisé sur les dépenses publiques, sont des pays qui ont donné, justement, à chaque échelon de décision publique et politique leur responsabilité. Et aujourd’hui la France souffre d’une super position des échelons. Il y a la commune, les communautés de commune, les pays, les départements, NICOLAS DEMORAND Il faut en supprimer ? Il faut donner à chacun ses responsabilités pour éviter qu’il y ait tous ces doublons. Et moi ce que j’ai proposé, c’est que l’on donne aux régions, en particulier par exemple, la responsabilité d’un certain nombre de dépenses sur les travaux concernant l’enseignement supérieur – puisque les universités françaises sont dans un état assez catastrophique. C’est un exemple parmi d’autres, on pourrait en prendre plein. Là, où l’Allemagne et l’Italie ont réussi et l’Espagne ont réussi à faire des économies et à rendre l’Etat et la puissance publique beaucoup plus efficace. C’est parce qu’elles ont à la fois, maintenu des solidarités nationales fortes pour garantir une égalité de développement sur l’ensemble du territoire. Et en même temps donner aux décideurs politiques qui sont à l’avant-garde et en première ligne et au contact des gens des responsabilités avec les ressources financières qui vont avec. Je suis convaincue que l’on peut économiser… PATRICK COHEN Cela permet d’économiser des dizaines de milliards d’euros ? Ah oui, je suis convaincue qu’une bonne organisation territoriale avec des institutions qui fonctionnent bien, qui ont leurs responsabilités, qui doivent rendre des comptes et avec une démocratie participative qui permet aux citoyens aussi de mieux contrôler l’argent public, oui, PATRICK COHEN On peut faire des économies sans couper dans les crédits, comme vous dites ? Bien sûr, il faut redéployer, il y a certaines des dépenses qu’il faut supprimer, moi je l’ai fait moi-même en arrivant à la tête de la région. J’ai supprimé, j’ai baissé considérablement le train de vie de la région sur un certain nombre de dépenses inutiles. J’ai supprimé les grosses voitures, les frais de réception, j’ai supprimé des subventions qui n’étaient pas utiles, des effets d’aubaine. Ecoutez, aujourd’hui il y a 64 milliards d’euros d’aides aux entreprises. On estime que la moitié de ces aides sont des effets d’aubaines, c'est-à-dire vont à des entreprises qui n’en ont pas besoin. Donc, voici un paquet budgétaire à redéployer sur les entreprises et notamment sur les PME. C’est sur ce qu’elles reposent, la dynamique de la croissance économique et de la croissance d’emploi. NICOLAS DEMORAND Une question sur le dossier chinois Ségolène ROYAL, est-ce que Bertrand DELANOE a eu raison de faire du Dalaï Lama et d’un dissident chinois, deux citoyens d’honneur de la Ville de Paris ? Oui, bien sûr, vous savez, j’ai rencontré moi-même la sœur du Dalaï Lama, que le Dalaï Lama n’était pas là quand je suis allée en Inde – donc c’est sa sœur qui est venue me voir. Tout ce qui peut être fait en effet pour lutter contre la répression, les assassinats au Tibet doit être fait. Et je l’ai dit tout à l’heure, il est regrettable de voir que Nicolas SARKOZY, s’est couché devant la Chine et je pèse mes mots – alors qu’Angela MERKEL a déjà reçu le Dalaï Lama, a dit, qu’elle ne serait pas à la séance d’ouverture des Jeux Olympiques, Gordon BROWN est en passe de faire la même chose, or, c’est le drapeau français, comme cela a été souligné hier, qui est brûlé à Pékin. Donc moi je dis qu’avec les Chinois, c’est quand on est bien au clair sur ses valeurs, bien ferme et qu’on reste debout qu’on est respecté – et pas quand on s’allonge. NICOLAS DEMORAND Jean-Pierre RAFFARIN qui est en déplacement diplomatique en Chine a parlé d’une faute politique majeure dans cette affaire du citoyen d’honneur, Dalaï Lama par la Ville de Paris Ségolène ROYAL. La faute politique, c’est là, d’aller à Pékin pourquoi, pour recoller quels morceaux ? Enfin c’est un spectacle je pense assez lamentable et en plus qui… On ne peut pas à la fois dire, comme le dit Nicolas SARKOZY hier, qu’il fallait qu’il consulte les autres pays européens, parce qu’au moment des Jeux olympiques, c’est la France qui serait présidente de l’Union et en même temps ne pas tenir compte de la façon dont agissent les autres chefs d’état en Europe, qui tous, condamnent l’attitude actuelle de la Chine. PATRICK COHEN Vous êtes toujours sur l’idée d’une menace, d’un boycottage complet des Jeux Olympiques, comme vous l’avez exprimé une fois, pas seulement de la cérémonie d’ouverture, des JO ? Je suis convaincue que si l’ensemble des pays européens et la France avaient une responsabilité pour prendre une initiative dans cette direction, avaient menacé la Chine d’une non participation aux Jeux Olympiques, je suis convaincue que cela aurait été très efficace. Parce que les Chinois, qui sont un grand peuple et qui méritent le respect, respectent aussi ceux qui se font respecter. Et c’est un leurre de croire que parce qu’on est faible, parce qu’on est mou, parce qu’on est impuissant, qu’on va être respecté par les Chinois, c’est tout le contraire. NICOLAS DEMORAND Serge nous appelle de Toulon, bonjour Serge, bienvenue sur France Inter. SERGE Bonjour… Madame ROYAL, au-delà de votre discours de ce matin qui comporte nombre de remarques pertinentes, je voudrais savoir en quoi vous représentez une véritable opposition à Nicolas SARKOZY – dans la mesure où comme lui, vous avez dénié au peuple français le droit de s’exprimer sur le traité de Lisbonne, qui est une copie conforme du DCE – et dans la mesure où vous avez applaudi à la sortie du rapport ATTALI, qui comme le traité de Lisbonne est un manifeste ultra libéral. D’abord, je n’ai pas applaudi à la sortie du rapport ATTALI, j’ai dit que toutes les propositions méritaient d’être regardées, la France a besoin de réformes. Et ce dont on manque cruellement aujourd’hui, précisément, ce sont des réformes justes, qui nous permettent d’être à la hauteur des défis que le monde pose aujourd’hui. Donc voilà, donc en quoi je suis une opposante ? Eh bien je suis une opposante, parce que justement je fais des propositions constructives par rapport à ce qui serait possible de faire. Et puis aussi… quel est le territoire ? Parce que je crois que c’est devenu très important la façon dont les régions, les départements est les villes peuvent à la fois contrecarrer ce qui se passe mal au niveau national – mais aussi prendre des initiatives. Vous voyez par exemple pour répondre à une question du pouvoir d’achat, je viens de créer le micro crédit dans la région que je préside, c’est une première et je crois que cela permet à beaucoup de familles de ne pas basculer dans l’endettement et le sur endettement. NICOLAS DEMORAND Une dernière question Ségolène ROYAL, vous avez été condamnée pour ne pas avoir versé de salaire à deux de vos anciennes collaboratrices, vous avez souvent parlé d’ordre juste, là c’est un désordre injuste, sanctionné par la justice Non, je n’ai pas été condamnée, contrairement à ce que vous dites, parce que cette décision n’est pas définitive, PATRICK COHEN Elle a été prise en appel ! Oui, mais attendez, vu la façon dont elle est exploitée politique, je puis vous dire que cette décision n’est pas définitive, PATRICK COHEN Elle va être sortie en cassation ? Je le pense oui. Moi, vous savez, j’ai toujours respecté mes salariés et ce que vous oubliez de dire, c’est que l’ensemble des autres salariés, des huit autres assistants parlementaires m’ont soutenue dans cette affaire. J’ai toujours veillé à une bonne utilisation des fonds publics. Les assistants parlementaires, il faut que les auditeurs le sachent sont payés sur fonds publics. Il se trouve qu’il y a une dissolution de l’Assemblée nationale, vous le savez, et donc des contrats se sont interrompus. Qu’il y a eu là, à ce moment là un vide juridique, NICOLAS DEMORAND Mais vous, vous dites, c’est une manipulation politique ? Attendez, oui, c’est un guet-apens judiciaire, c’est que pendant dix ans… NICOLAS DEMORAND Qui est derrière, qui tire les fils ? Vous avez vu qui a réagi, c’est Monsieur RAFFARIN que j’ai battu à la tête de la région, c’est l’UMP. Pendant dix ans ils m’ont pourchassée devant les tribunaux, ils ont refusé tout arrangement amiable, pendant dix ans, parce que leur objectif c’était précisément de voir une décision de justice tomber par rapport à un vide juridique qui existait. Mais cette décision n’est pas définitive, je vous le dis. En revanche, il y a eu des choses beaucoup plus graves qui se sont passées depuis. Si Monsieur RAFFARIN est intéressé par les fraudes et les procédures judiciaires, moi j’aimerais bien que Nicolas SARKOZY s’explique sur la façon qui lui a permis d’aller voter aux élections municipales, alors qu’il n’était pas inscrit sur les listes électorales avant le 31 décembre ? Vous savez, ça c’est un faux en écriture public très grave – il y a beaucoup de jeunes qui n’ont pas pu voter parce qu’ils ont oublié de s’inscrire, NICOLAS DEMORAND Monsieur RAFFARIN ou Monsieur SARKOZY ? Monsieur SARKOZY, donc, il n’a pas démenti cette information donnée par la presse, par un de vos confrères et ça, puisqu’il s’intéresse aux procédures judiciaires, moi j’aimerais bien que le président de la République, qui doit donner l’exemple, du respect de la loi puisse s’expliquer une bonne foi pour toute sur cette affaire extrêmement grave. NICOLAS DEMORAND Merci Ségolène ROYAL, d’avoir été ce matin au micro de France Inter. |